Des ailes et la tête d'un oiseau, un morceau de visage et quelques feuilles. Le bien nommé Dimensional bleedthrough se démarque à la fois du visuel, presque traditionnel, du premier album, ainsi que de l'héritage black metal d'une manière générale. Les riffs, maintenant immédiatement reconnaissable par leur utilisation du trémolo poussé à l'extrême, deviennent plus metal en créant plus qu'une atmosphère mais aussi un voyage dessiné par des structures beaucoup plus variés que sur leur éponyme.
Assuremment, celui-ci était un premier essai. Les premiers pas de Mick Barr (Orthrelm) et de Colin Richardson (Dysrythmia, Behold... the Arctopus) maintenant accompagné de Mick McMaster (ex. Solecism) à la basse, compositeur de "The mountain" et auteur de la couverture. Peut-être est ce sa présence ou simplement l'expérience acquise sur la route mais Dimensional bleedthrough marque une évolution décisive dans la vie de Krallice.
Précédemment comparé à Weakling, ce deuxième disque continue d'imposer la particularité de la scène black metal américaine. Moins sombre, moins focalisé sur la création d'une atmosphère, beaucoup plus technique (mais jamais démonstratif) et aussi beaucoup plus narratif. Burzum faisait référence à Tolkien mais Krallice accompagne en musique les aventures de la confrérie de l'anneau (minus les intermèdes consacrés aux jérémiades d'un nain magique).
Le dernier morceau, de dix huit minutes, s'écoute comme le récit triomphale d'une troupe de guerrier, de retour de campagne. Tragique, violent mais toujours glorieux. La dépression et la mélancolie qui caractérisait jusqu'à alors la scène suicidal black metal américaine est remplacé par des aspirations plus nuancés. La batterie a aussi une place beaucoup plus importante et offre des variations bienvenue au blast in-interrompu censé couvrir les plages de guitares. Après avoir démontré leur maitrise des codes du genre, Krallice s'affranchit aujourd'hui et aménage son territoire en abattant les murs qui les gène. Une sorte de réinvention du genre sans pour autant parler de fusion comme sur l'excellent mélange post hardcore / black metal du White tomb d'Altar of Plagues.
A l'instar de Marcel Duchamp qui interrogea la communauté artistique sur la nature de l'oeuvre d'art au moyen d'un bidet signé, Krallice interroge à leur tour le black metal. Si il y a un logo presque illisible, une volonté spirituelle et des trémolos à gogo, est ce du black metal ? Cependant, contrairement à Duchamp dont le message devait être compris et non pas célébré et imité inlassablement, Krallice dépasse cette question et propose une vision unique du genre. De quoi faire parler les gardiens du temps trop occupé pour voir les hordes venues célébrer à leur manière leurs idoles chéris. A classer au même rang que Deathspell Omega pour leur capacité à réinventer tout en restant, somme tout, fidèle au genre, et aussi pour avoir écrit un album encore plus intense que leur, déjà formidable, premier disque éponyme.
Krallice | NYC @ Union Pool | Friday 13th November 2009 from (((unartig))) on Vimeo.