Thursday, May 29, 2008

Aborted - Strychnine 213 (Century Media) 2008


Avoir la chance d'interviewer un artiste dont on apprécie le travail tout particulièrement est une chance que j'ai de temps en temps. Par contre, ressortir du dit interview sans une seconde d'enregistrement à cause d'une erreur de manipulation du magnétophone après avoir eu un entretien des plus intéressant fait partie des situations que je ne désire pas revivre tellement on se sent con et frustré de ne pas avoir remarqué que la bande ne tournait pas.

D'autant plus que le plus que l'interlocuteur en question, Sven de Calouwé, m'a marqué par son attitude éloigné du front man que j'ai pu voir en concert. Interrogé sur l'importance du merchandising dans la vie économique du groupe il m'est apparut comme un homme qui sacrifiait beaucoup, autant dans sa vie personnel et dans ses finances, pour pouvoir continuer a faire de la musique. Le genre de type que l'on ne peut accuser de se vendre ou de faire de la musique pour des raisons annexes. Pas de pose, pas de rattachement à une mode et pas non plus de compromis pour faire plaisir aux fans qui aimeraient continuer à entendre le son Aborted des débuts. Le groupe évolue et prouve encore une fois sa capacité à créer une musique qui lui est propre alors que les jeunes groupes de death metal se pressent de se copier mutuellement.

La course au plus grand nombre de mosh part ne fait que produire des disques sans fond et sans âme. Des disques passe temps que l'on s'amuse a écouter une ou deux fois avant d'aller voir ailleurs. Certains évolueront peut être vers quelque chose de plus personnel mais, il est encore trop tôt pour savoir ce qui ressortira de cette mode. Dans ce contexte, ce nouvel album de Aborted apparait d'autant plus comme un disque mature et personnel. Une évolution déjà commencé dans "Slaughter & Apparatus" vers des titres plus variés, plus dynamique et une production moins compact et plus naturel. Une volonté de tendre vers un son plus live et plus rock and roll que Sven exprima durant l'interview.

Le titre du disque fait aussi référence à une horreur et une violence plus réaliste puisque le chiffre 213 fait référence à l'appartement où le tueur en série Jeffrey Dahmer emmenait ses victimes. Empoisonné avec de la strychnine puis étranglé, violé et finalement démembré, un rituel que "le cannibal de Milwaukee" (car il faut bien se débarasser de la viande d'une manière ou d'une autre) répéta sur dix sept victimes. Dahmer n'est cependant pas la seule source d'inspiration du disque puisque la plupart des chansons parlent de différents tueurs en série ou d'autres sujets. Musicalement l'album n'a pas non plus une seule facette. "Strychnine 213" est un disque qui fera date pour les fans de Aborted car il divisera surement entre les partisants du changement et les nostalgique du brutal death grind des débuts.

Que l'on ne se meprenne pas pour autant. Aborted est et reste un groupe de brutal death. Les chansons de "Strychnine 213" sont toujours autant rempli de blast et de grognement qu'auparavant. Pas de chant claire non plus à l'horizon. Les riffs et les leads sont par contre beaucoup plus mélodique et accrocheur tout en étant couplé a une rythmique violente et très dynamique. Le contraste ainsi crée permet a Aborted de se créer une toute nouvelle identité qui n'est que le résultat d'une évolution constante (les prémices de ce changement se sentait déjà sur "Slaughter & Apparatus" avec la ligne mélodique d'intro de "The Foul nucleus of resurrection") et pas d'un revirement brutal. Ceux qui attendent encore que le groupe revienne à l'époque "Engineering the dead" ou même de "Goremaggedon" ferait mieux d'abandoner tout espoir. Aborted évolue et continue sa route sur une voix qu'ils tracent désormais eux même en s'afranchissant de beaucoup de limite du genre dans lequel ils étaient classifiés.

Cette volonté de se différencier des productions actuelles se retrouve dans le choix d'une production où tout sonne au naturel. Pas de triggs, pas de mur de guitare surpuissant et tellement entendu qu'ils ne font plus aucun effet. Après avoir écouté tant de groupes de deathcore identique c'est agréable de découvrir une production moins léchés et aussi peu surchargés en effet. Des samples interviennent tout de même mais, leur utilisation est parcimonieuse et surtout très efficace (comme à la fin de "Pestilence subterfuge"). En fait, ce choix d'un son plus naturel sera peut être le facteur le plus déterminant dans l'appréciation de ce disque. Audacieux par son orientation plus mélodique et accrocheuse (sans jamais tomber dans la facilité ou dans le "suédois") son apparence moins léché saute moins à la gorge que les albums précédents et demande donc d'être domestiqué. Un album qui s'apprécie aussi beaucoup plus au casque et qui passera sans nul doute très bien le passage du live. Cette envie de faire des chansons plus variés qui conservent toujours de l'impact pendant les concerts était aussi un des points soulevés par Sven pour définir l'optique dans laquelle ce nouvel album avait été écrit. "Strychnine 213" est un album qui surprendra surement tout ceux qui s'attendent à ce qu'Aborted reste ce qu'il était. Un disque qui a le potentiel d'être un des albums de l'année de certain ou le pire disque pour d'autres. A vous de trancher.

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